Sous le casque de cuir (Baudinière, 1928) est le 2e livre et 2e roman de René Chambe. L’auteur a plongé son histoire dans la Roumanie de 1917 engagée dans la guerre. C’est son premier roman d’aviation et le livre remporte un succès vif et immédiat. La critique a tôt fait de comparer la qualité de ce roman à celle de L’équipage de Joseph Kessel (1923). Son éditeur Gilbert Baudinière engage très vite des démarches pour le faire adapter au cinéma. Dans une lettre du 28 novembre 1928, il écrit à Chambe, alors qu’il est aux prises avec des membres de son conseil d’administration qui sont parvenus à le mettre en minorité :
« Ces bougres* m’ont empêché de donner à M. de Guingand ** ; l’artiste qui a tourné « L’Equipage » de Kessel, une option pour adapter votre livre à l’écran. Je demandais 75 000 F pour six ans ou 50 000 F et 2% sur toutes les recettes d’exploitation de la bande filmée. »
* Gilbert Baudinière parle notamment d’Alfred Kastler.
** Pierre de Guingand, acteur dans la première adaptation réalisée par Maurice Tourneur en 1928. Il existe une 2e version réalisée par Anatole Litvak en 1935 (qui réitère en 1937 avec un remake intitulé The Woman I love).
Illustration : affiche du film Sous le casque de cuir. Source www.cinéma-français.fr.
Finalement, Max de Pourtalès qui dirige la maison de production Cinémasques, engage le cinéaste espagnol Francisco Elias Riquelme*, ami du producteur français Camille Lemoine, pour écrire le scénario et réaliser le film. Pourtalès, membre d’une grande et fortunée famille cévenole est le fils d’un officier de cavalerie. Quant à Jacques Favre de Thierrens qui co-produit le film, c’est un aviateur, as de la Grande Guerre et ami de René Chambe. Une fois le scénario achevé, Elias Riquelme s’apprête à se lancer dans la réalisation mais son ami Lemoine fait remarquer à Cinémasques que les capitaux seront insuffisants. Lemoine se propose de solliciter les Artistes Associés (filiale française de la fameuse United Artists) pour la distribution. La société apporte en effet les capitaux nécessaires mais exigent un autre réalisateur et imposent l’anglais Albert de Courville ! Elias Riquelme est mis au banc de touche avec la mission sans doute illusoire de superviser le film et celle de réaliser les prises de vues aériennes. Il impose que son ami José Gaspar, spécialiste de telles prises de vues, travaille avec lui et sous ses seuls ordres. Ils se rendent à Hyères pour le tournage qui est réalisé avec des pilotes de l’escadrille 7C1 et de la Section de servitudes d’Hyères mais l’aventure est de courte durée. En effet, la confusion est grande car Maurice Forster, directeur de la photographie, est secondé par ailleurs par Arthur Porchet et son fils Adrien Porchet. Finalement, les scènes sont confiées à Adrien Porchet, provoquant le départ définitif d’Elias Riquelme qui rompt avec la production.
Les têtes d’affiche Pierre Richard-Willm (capitaine Survian) et Gina Manès (Florica Romanesco) partagent les rôles principaux de Sous le casque de cuir qui sort officiellement le 22 avril 1932. Le film sort également en Angleterre sous le titre Under the leather helmet et en Espagne en mai 1932 sous le titre Bajo el casco de cuero. En revanche, l’Allemagne qui voit évidemment le film d’un mauvais œil le classe en liste noire et le faire interdire en Turquie et en Egypte !
Illustrations : coupure de presse issue de l’Echo de Paris du 25 mars 1933. Collection René Chambe.
La projection inaugurale du 22 avril 1932 à l’Olympia (Théâtre Jacques Haïk, transformé en cinéma à cette époque) se déroule en grandes pompes, « sous le haut patronage de Monsieur Paul Doumer, Président de la République, Monsieur François Piétri, Ministre de la Défense Nationale, et sous la Présidence de Monsieur le Maréchal Pétain, Inspecteur Général de la Défense Aérienne du Territoire ». Le film sert en effet amplement la propagande nationale. René Chambe a eu le loisir d’exprimer son opinion sur l’adaptation de son roman. Il le fait avec beaucoup de bienveillance et de gratitude.
Illustration : programme de la première projection du 22 avril 1932 à l’Olympia. Collection René Chambe.
Synopsis
Quelle étrange destinée peut attendre cette espionne, mystérieuse et belle, qui, un certain soir, arrive à l’escadrille de chasse M. 13, en mission spéciale ? Les hommes autour d’elle sont jeunes, vaillants et enthousiastes… ils ont vingt ans et rêvent de gloire et d’amour. Aussi, lorsqu’elle apparaît, comme un vent de folie souffle, embrasant les cœurs de ces aviateurs ardents, qui tous la désirent passionnément. Jusqu’au commandant d’escadrille, le capitaine Survian… jusqu’au grand « as » Simianoff, quine peuvent se soustraire à l’emprise de la séductrice. Et la jalousie ne tarde d’éclater et de dresser l’un contre l’autre ces hommes qu’une forte amitié avait unis… Mais Florica part… Inconsciente des ravages que son passage a provoqués, à bord de l’avion piloté par Survian, elle s’envole au-dessus des lignes ennemies et s’y fait déposer. Ne cherche-t-elle pas Sudek, le traitre, pour l’empêcher de livrer à l’ennemi les documents volés ? Elle est surprise au milieu d’une fête… sera fusillée à l’aube. Le traître, avant de la livrer aux balles du peloton d’exécution, entre dans sa chambre, l’enlace sauvagement et tente de l’embrasser. Florica en profite pour s’emparer d’un revolver et pour tuer de deux balles au cœur l’homme qui voulait trahir sa patrie… Et l’avion de Survian, alerté par une complice… à tire-d’aile vole vers Néamtzù. Arrivera-t-il à temps pour sauver Florica ? Réussira-t-il à reprendre son envolée avec la femme aimée et d’échapper aux balles meurtrières qui sifflent autour de la carlingue ?…
(tiré du dossier de presse « Les Artistes Associés »)
Au générique
Durée : 95 min, N&B
Production française : Cinémasques
Distribution : Les Artistes Associés
Pays de distribution : France, Angleterre, Espagne, …
Réalisation : Albert de Courville
D’après l’œuvre de René Chambe
Scénario : Pierre Sabatier
Directeur de la photographie : Maurice Forster
Musique : Jean de l’Epée
Décors : Pierre Schild
Interprètes : Pierre RICHARD-WILLM (Cpt. Survian), Gina MANES (Florica Romanesco), Gaston MODOT (Cpt. Simianoff), Pierre NAY (Lt. des Roseaux), Raymond DESTAC (Sudek), Max LEREL (Reynier), Georges RIGAUD (Lt. Beaufort), Marie BARGE (Helena), PETITJEAN (Lt. Vintilla), Henry LEVÊQUE (Lt. Stream), De KERSTRAT (Col. Philipesti), DUBREUIL (Lt. Pola Vaccis), René DONNIO, RIGATTO.
Illustration : affiche issue du dossier de presse. Les Artistes Associés. Collection René Chambe.
Le film, aujourd’hui ?
Notre petite enquête sommaire nous a mené au CNC et à la Cinémathèque Française, seule cette dernière détient une bande annonce en nitrate qui n’est donc pas projetable.
D’autres précieuses informations sur le film (correspondances, scénario) sont consultables au Service Historique de la Défense (Château de Vincennes) sous la cote Z 28830 (dossier 1/2 « Cinéma », chemise 6) du Fonds général Chambe.
* Les informations relatives à Francisco Elias Riquelme sont tirées du livre (en espagnol) : Aproximacion historica al cineasta Francisco Elias Riquelme (1890-1977), par Enrique Sanchez Oliveira, Université de Séville, 2003.
___
La vie, l’œuvre et les archives du général d’aviation et écrivain René Chambe (1889 – 1983).
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.