Saint Exupéry et René Chambe : annexe / Lettre de René Chambe à Pierre Charpentier

En 1979 en s’adressant à Pierre Charpentier (alors président de l’Association des Amis d’Antoine de Saint Exupéry), René Chambe revient sur les circonstances de la présence de l’écrivain aviateur à Alger en décembre 1940. Chambe semble répondre à une question précise sur la relation entre Saint Ex et le général Noguès où celui-ci aurait confié une mission au premier, ce qu’il réfute.

Lettre publiée dans la revue Icare n°108, « Saint Exupéry. Toujours vivant » Volume VII. 1984

Version en ligne annotée par Emmanuel de Vachon.

Le Repaire,

le lundi 30 avril 1979

Mon cher Président,

C’est curieux comme tout se déforme, se transforme …

Voilà la réalité des faits[1] : Au mois de décembre 1940 (et non en juin) étant atteint par les nouvelles limites d’âge de l’armistice, et fixé en zone libre j’avais accepté de me rendre en A.F.N. faire un reportage pour le compte d’une revue qui venait de se créer à Lyon « Sept Jours » créé par Prouvost[2].

Lire la suite

L’escadron de Gironde (1935)

Un escadron français de cavalerie face à une escadrille allemande. Le sabre et la lance contre des appareils motorisés de bois et de toile. C’est l’histoire d’un assaut désespéré pour l’honneur, en pleine nuit, entre le 9 et le 10 septembre 1914. Ceci est une histoire vraie, une histoire véritable. René Chambe a compris la force de ce fait d’arme pour en tirer un récit flamboyant. Mais il nous répondrait : ce n’est pas le récit qui est flamboyant, ce sont eux, les cavaliers avec, à leur tête, le lieutenant Gaston de Gironde, magnifique chef, jeune, ardent. Ces pages, ce n’est pas moi qui les ai écrites, ce sont ces héroïques soldats. L’escadron de Gironde demeure, avec son Histoire de l’aviation, son plus grand succès littéraire. C’est, comme il aimait à le présenter, « le petit livre d’un grand fait d’arme ».

Le 9 septembre 1914, en pleine bataille de la Marne, la 5e Division de Cavalerie (DC) du général Cornulier-Lucinière est engagée entre les armées von Kluck et von Bülow qui sont elles-mêmes face aux armées Maunoury et Franchet d’Espèrey. La 5e DC comprend notamment le 16e régiment de Dragons. Celui-ci est porté ce jour à s’engager loin à l’intérieur des lignes allemandes avec pour objectif Soissons en passant par la forêt de Villers-Cotterêt, soit environ une soixantaine de kilomètres derrière le front allemand ! Soissons est un verrou qui servirait à la retraite allemande des deux armées citées. L’escadron du lieutenant Gaston de Gironde est de cette mission, soit une centaine de cavaliers.

Lire la suite

Pour que des cloches françaises chantent dans un clocher d’Alsace (1922)

Tout premier texte publié par René Chambe qu’il signa pudiquement « R.C., Capitaine-Aviateur« , il est un cri du cœur, une promesse, une preuve d’amour patriotique pour l’Alsace retrouvée. Lorsqu’il entra, avec deux autres officiers, pour la première fois dans le village de Niedernai (Bas-Rhin) dont il fut le « libérateur », ce 18 novembre 1918, puis une seconde fois pour une fête solennelle donnée en l’honneur des officiers français le 2 décembre, les habitants, le curé, le maire ne purent cacher leur tristesse à ne pas pouvoir les célébrer aux sons des cloches lancées à toute volée. Non, les cloches avaient été démontées et confisquées par les Allemands dans le but de les fondre. René Chambe leur promit de leur rendre des cloches comme un cadeau de bon retour de la part de leurs frères et sœurs français.


René Chambe - Cloches françaises clocher Alsace détail - Niedernai 1922

Lire la suite

Le commandant de Rose. Créateur de l’aviation de chasse (1967)

Sans doute René Chambe n’a-t-il jamais considéré cet ouvrage comme un livre puisqu’il n’a jamais figuré dans les bibliographies qui sont mentionnées dans ses livres chez Plon ou aux Presses de la Cité. En effet, il publia en 1966 pour la Revue des Deux Mondes un article éponyme mais un peu plus court. Le récit ne débutait qu’en mars 1915, au moment précis où fut créée la M.S. 12, première escadrille de chasse. Son texte, ici plus long d’une dizaine de pages, commence le 20 mars 1906 alors que de Rose est lieutenant de cavalerie au 9e Dragons et qu’il vient de se mettre en état de refus d’obéissance… La loi de séparation des Eglises et de l’Etat est mise en application et implique des inventaires contestés. Au-delà du texte, c’est l’objet en lui-même qui attire l’attention. Ce petit livre est l’œuvre de Pierre Aelberts, un éditeur liégeois. Lire la suite

Histoire de l’aviation (1949)

Grand œuvre de René Chambe, cet important ouvrage eut un très grand succès au point de tenir longtemps la place de référence. Histoire de l’aviation reste l’un des livres les plus cités et les plus connus de l’écrivain-aviateur. Ne se bornant pas à une approche « froidement » encyclopédique, l’auteur, fidèle à lui-même, fit de ce travail une fresque vivante des aviateurs et des avancées technologiques.

Flammarion, après avoir confié deux grands ouvrages à deux académiciens, Claude Farrère pour l’Histoire de la Marine française et le général Weygand pour l’Histoire de l’Armée française, avait compris qu’il trouverait en René Chambe un attrayant équilibre entre la recherche de la rigueur historique et le talent du conteur. Lire la suite

Route sans horizon. Les eaux sanglantes du beau Danube bleu. (1981)

Arrivé à l’extrémité de sa vie, René Chambe nous livre un avant-dernier livre touchant et émouvant. Avec Adieu cavalerie ! La Marne, bataille gagnée victoire perdue (Plon, 1979), ce livre est un deuxième volet de ce qu’il considère comme son « testament militaire ». Il devait être suivi d’un troisième ouvrage sur de Gaulle – un réquisitoire cinglant – refusé par Plon et par Flammarion. Mais ici, il se souvient de sa mission en Roumanie en 1916 et 1917. C’est un étonnant livre où l’on trouve plus d’humanité que de faits d’armes et où la mélancolie côtoie la vivacité d’esprit qui le caractérise. C’est un voyage en Roumanie, et au même titre que ses livres de souvenirs, c’est un voyage en intimité et en humanité. Avec son lointain roman Sous le casque de cuir (1928), ils forment un diptyque inédit de la vie romancée et de la vie romanesque. Ces deux livres sont les faces d’une même pièce.


René Chambe - Route sans horizon Ed Plon 1981

Edition Plon, 1981.
Avec photographies de l’auteur.


Lire la suite

Saint-Exupéry et René Chambe : 5/5 Lettre de René Chambe à Rumbold et Stewart

Pour la première fois, René Chambe s’exprime « publiquement » sur la fameuse « lettre au général X » dont on a pressenti qu’il en était le destinataire. A l’interrogation des auteurs Richard Rumbold et Margaret Stewart qui préparent alors leur essai Saint Exupéry tel quel (Del Duca, 1960), Chambe répond par une lettre dont un extrait est reproduit en annexe du livre. La voici.

[…] La Lettre au général « X » m’était très certainement destinée. En voici les raisons : Lire la suite

Saint Exupéry et René Chambe : 4/5 « Lettre au général X »

La « lettre au général X » est l’un des textes les plus répandus de Saint Exupéry tant ses lignes sont criantes d’actualité. Elle forme un tel écho, plus de soixante-dix ans après, au malaise de notre époque. Très probablement écrite en juin 1943 alors qu’il effectuait ses premiers vols sur le fameux Lightning P-38 en Tunisie, la lettre ne fut jamais envoyée, demeurant dans ses affaires personnelles. Elle ne fut découverte qu’après la disparition de l’auteur. Portée à la connaissance du public grâce à une première publication dans Le Figaro littéraire (10 avril 1948), certains ont cru comprendre que son destinataire était peut-être René Chambe, ce que ce-dernier semblait confirmer. Les propos de Saint Exupéry rejoignent la cohorte de lettres envoyées à ses amis à la même époque où il exprime une profonde mélancolie et une « infinie tristesse ». Il voit arriver un monde et une société dans lesquels il se sent étranger. Lire la suite

Saint Exupéry et René Chambe : 3/5 A propos de la « Lettre au général X »

Ecrite très probablement en juin 1943 alors que Saint Exupéry effectue ses vols de formation sur le Lockheed P-38 « Lightning », cette fameuse lettre non envoyée fut retrouvée dans ses affaires personnelles après sa disparition (31 juillet 1944). En juillet 1944, son unité, le groupe de reconnaissance II/33 commandé par René Gavoille, était basée à Borgo en Corse. Contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là sur internet, cette lettre n’est pas le dernier texte écrit par Saint-Exupéry et par conséquent, elle n’est pas datée du 31 juillet 1944. D’aucuns veulent la présenter de cette façon fantasmée comme le « testament » de Saint Ex, lettre mystérieuse au destinataire inconnu, demeurée posée là, sur sa table de travail. Plus simplement, elle n’est pas datée du tout. En revanche, une phrase nous parvient plus aigüe dans cette lettre du 30 juillet 1944, la veille de son vol sans fin, adressée à son ami Pierre Dalloz : « Si je suis descendu, je ne regretterai absolument rien. La termitière future m’épouvante. Et je hais leur vertu de robots. Moi, j’étais fait pour être jardinier. » (Œuvres complètes. Pléïade T 2, p 1050).

Le lieu et la date

C’est la phrase « Je viens de faire quelques vols sur « P-38 ». C’est une belle machine » qui permet de dater la « Lettre au général X » au temps de ses premiers contacts, en juin 1943, avec le fameux avion américain. Lire la suite

Saint Exupéry et René Chambe : 2/5 Lettre de Saint Exupéry au général Chambe

Le capitaine de Saint Exupéry adressa cette lettre à René Chambe probablement en mai 1943, depuis Alger où il est logé chez son ami le Docteur Pélissier. Il est arrivé des Etats-Unis début mai et s’est très vite manifesté auprès de son ami Chambe (et d’autres) pour être réintégré à son groupe de reconnaissance aérienne d’origine, le 2/33 (ou II/33) et par conséquent de pouvoir piloter l’avion américain Lockheed P-38. Ici, il est question de grade et de promotion. Il sollicite en effet son ami pour faire valoir son droit, au moins moral, au grade de commandant. Il s’explique avec beaucoup de pudeur et de franchise. Le 25 juin 1943, Saint Exupéry est promu commandant. Nous ne détenons pour l’instant aucune archive permettant de savoir si – comme la permission de voler sur le P-38 – sa promotion est le fait de Chambe. Cette lettre inédite (déjà présentée sur le premier site dédié au général Chambe) n’a jamais été publiée.

Cher Général,

Lorsque je me suis ce soir retrouvé chez moi j’ai éprouvé une grande mélancolie. Pardonnez-moi de revenir sur ce sujet. C’est sans doute la première et la dernière fois que je m’anime pour un point de vue égoïste mais il me tient à cœur pour d’autres raisons que des raisons intéressées. Lire la suite