Engagement et Première Guerre Mondiale

Du 10e Hussards de Tarbes au 20e Dragons de Limoges

Ses professeurs auraient aimé lui voir embrasser une carrière littéraire, d’autres décelant en lui un réel talent de dessinateur et d’illustrateur, mais il choisira de servir dans l’armée parce qu’il a de l’enthousiasme et regarde obstinément la ligne bleue des Vosges.  Passionné de cheval, seule la cavalerie présente un réel attrait pour lui.  Il veut aller à l’École de Saumur et comme celle de Saint-Cyr n’y conduit pas inéluctablement, il s’engage en 1908 à 19 ans. Il est incorporé au 10e régiment de Hussards à Tarbes pour trois années de service qu’il prolonge d’une année pour préparer Saumur où il est admis en 1912-1913.


René Chambe - Hussard Tarbes 1912

Au premier de profil à droite, René Chambe, maréchal des logis au 10e régiment de Hussard de Tarbes dans ce qui est certainement le « parc à fourrage ». Annoté « Tarbes mercredi 7 février 1912« . Collection René Chambe.

René Chambe - cavalier Saumur 1912

A l’École de cavalerie de Saumur en 1913, René Chambe traverse durant un exercice le Thouet avec sa monture. En arrière-plan, l’église Saint-Hilaire près de la confluence avec la Loire. Collection René Chambe.


Il est promu sous-lieutenant le 1er octobre 1913 à sa sortie de l’École de Saumur.  Affecté au 20e Dragons (Limoges), il fait avec ce régiment la première partie de la guerre de 1914-1918 : entrée en Alsace-Lorraine en août 1914, bataille de la Marne, course à la Mer, opération de l’Yser en Belgique.

Avec Adieu cavalerie ! La Marne, bataille gagnée, victoire perdue (Plon, 1979), René Chambe revient sur ces premiers mois de la guerre durant laquelle il a déploré le manque d’audace des officiers généraux. Il avait repris à son compte la phrase de Napoléon : « La guerre de cavalerie est affaire de lieutenants« .

Le cavalier devient aviateur dans l’escadrille M.S. 12

Au mois de décembre 1914, le sous-lieutenant Chambe quitte la cavalerie sur sa demande pour entrer dans l’aviation et obtient son brevet d’observateur.

En janvier 1915, il est affecté à une escadrille de reconnaissance d’armée (5e armée, Gal Franchet d’Espèrey). Mais le 1er mars 1915, on crée les premières escadrilles de chasse.  Le sous-lieutenant Chambe est volontaire ; il est affecté à l’escadrille M.S. 12 qui va devenir bientôt célèbre. Sous les ordres du commandant de Rose et du capitaine de Bernis, cette escadrille ne comprend que de jeunes officiers, la plupart issus de la cavalerie. Certains visages de la M.S. 12 deviendront légendaires : de Rose, Navarre, Pelletier-Doisy, Gasnier du Fresne pour ne citer que les plus illustres.


René Chambe - 1re GM aviateur Reims

A bord de son Nieuport, le lieutenant pilote René Chambe survole la ville de Reims dont on voit la cathédrale au milieu du mât en V. C’est son camarade de la MS 12 (puis N 12) Jean des Vallières qui racontera l’escadrille dans son roman « L’escadrille des anges » (Grasset, 1947), à savoir les anges de la cathédrale… Collection René Chambe.


Le 2 avril 1915, le sous-lieutenant Chambe abat son premier avion allemand, comme passager de Georges Pelletier-Doisy qui pilote un Morane-Saulnier « Parasol ». A cette époque, les appareils de chasse sont encore biplaces. Le pilote conduit l’avion, le passager tire. Il tire avec une carabine de cavalerie, coup par coup, avec un chargeur de trois cartouches.

Le combat a eu lieu à bout portant.  L’avion ennemi est tombé dans les lignes françaises. Pelletier-Doisy et le sous-lieutenant Chambe sont indemnes. Ce duel aérien a un grand retentissement, car de telles rencontres sont encore exceptionnelles. C’est en effet la cinquième victoire aérienne depuis le début de la guerre. Le sous-lieutenant Chambe et l’adjudant Pelletier-Doisy sont faits chevaliers de la Légion d’honneur, par le général Franchet d’Espèrey et Chambe est nommé lieutenant. Il fait l’objet d’une deuxième citation.

L’escadrille M.S. 12 se couvre bientôt de gloire et va détenir longtemps le record des avions ennemis abattus.


René Chambe - 5e victoire aérienne Fr 2avril1915

Le Morane-Saulnier « Parasol » de Pelletier-Doisy (pilote) et Chambe (observateur-tireur) le 2 avril 1915 à Vaudemanges (sud-est de Reims) à proximité de la Ferme d’Alger. L’avion français a fini sa course en pylône tandis que l’Albatros allemand a été détruit par les flammes au sol. C’est la 5e victoire aérienne française homologuée, ici immortalisée en photo carte postale (Editeur ELD, Paris). Collection René Chambe.

René Chambe 1re GM pilote N 12 Nieuport

René Chambe à bord d’un avion biplan Nieuport X de la N 12, équipée de sa mitrailleuse Lewis. c.1915-1916 à proximité de Reims (terrain de Rosnay ou de La Cense). Collection René Chambe.


Le lieutenant Chambe prend part ainsi à de nombreux combats. Il apprend à piloter dès 1915 avec l’adjudant Mesguich de l’escadrille 12, obtenant son brevet civil à l’automne 1915 et son brevet militaire en février 1916, qui lui permettra à la fois d’exercer le commandement d’une escadrille et de rester dans l’aviation de chasse (les avions de chasse étant devenus monoplaces n’ont plus de passager). La 12 devenue « N 12 » est équipée de « Bébé » Nieuport.

En 1955, après son Histoire de l’aviation et bien après ses récits Dans l’enfer du ciel et Enlevez les cales !, René Chambe publie enfin le récit de sa première victoire aérienne obtenue avec son pilote d’alors, Pelletier-Doisy. Au temps des carabines (Flammarion), illustré par Paul Lengellé, sera un autre succès littéraire.

Mission en Roumanie – Chef de l’escadrille N1 de la Mission Française en Roumanie du général Berthelot

Mais la Roumanie va entrer dans la guerre aux côtés des alliés.  Le lieutenant Chambe est désigné pour partir pour la Roumanie afin d’y mettre au point l’aviation de chasse roumaine encore inexistante. Voyage long pour parvenir en Roumanie, en passant par l’Angleterre, la Norvège, la Suède, la Finlande, la Russie, la Roumanie jusqu’à Bucarest.

Il prépare ainsi l’arrivée de la Mission militaire française du général Berthelot. Il prend à l’automne le commandement de la première escadrille de chasse franco-roumaine constituée avec des avions français, l’escadrille N1 (Nieuport). Le lieutenant Chambe prend part à toutes les opérations de guerre de la Roumanie, sur le front, avec son escadrille qu’il est parvenu à constituer (3 pilotes français, 3 pilotes roumains, 1 pilote anglais, 2 pilotes russes).  Il connaît ainsi les premiers succès en Bulgarie, en Transylvanie, puis les revers d’Olténie, la terrible retraite dans les boues de Valachie, l’arrivée de la neige, l’épouvantable hiver de 1916-1917, les froids de –30° dans les Carpates, la famine, le typhus exanthématique. Il est nommé capitaine à « titre temporaire » le 25 décembre 1916, ceci afin de lui donner plus de poids vis à vis des officiers et soldats roumains.


René Chambe - 1re GM Roumanie 1916 1917

René Chambe est en Roumanie entre la fin août 1916 et septembre 1917. Il parle ici avec des habitants (Moldaves ?)(photo sans date ni lieu). Il restera marqué toute sa vie par cette mission en Roumanie au milieu de la Grande guerre. Collection René Chambe.

René Chambe - 1re GM Roumanie Pufesti 1916 1917

Le capitaine Chambe (de profil, face à l’hélice du Nieuport) durant l’hiver 1916-1917 avec son escadrille N1 à Racaciuni. Derrière lui, le pilote roumain Poly Vacas. Collection René Chambe.


Mais l’escadrille N1 n’a pas cessé de combattre et de croiser dans le ciel à la rencontre des avions allemands ou autrichiens. L’été revenu, la Roumanie tente de reprendre l’offensive.

Le 24 juillet 1917 (du calendrier julien, soit le 6 août du calendrier grégorien), le capitaine Chambe est blessé en combat aérien dans le ciel de Marasesti, « le Verdun roumain », alors qu’il attaque seul deux avions allemands au-dessus des Alpes de Transylvanie. Il peut néanmoins revenir atterrir dans les lignes russes, où il est secouru et soigné.

Ne pouvant être traité efficacement pour retrouver l’usage de sa jambe gravement atteinte, le capitaine Chambe est évacué en septembre 1917 vers la France. Il repart ainsi, seul avec deux cannes, à travers la Russie, en proie déjà à la révolution. Pénible et périlleux voyage, coupé d’incidents. Retour par le même itinéraire parcouru en sens inverse quatorze mois auparavant : Russie, Finlande, Suède, Norvège, Angleterre, France.

La Roumanie marqua profondément René Chambe, pays et souvenirs pour lesquels il publiera deux livres en plus d’articles : un roman Sous le casque de cuir (Baudinière, 1928) et un témoignage Route sans horizon (Plon, 1981) qui se complètent à merveille.

1918 avec le 10e Corps d’armée

Soigné en France, le capitaine Chambe peut reparaître sur le front français en mars 1918.  Il est adjoint au commandant de l’aéronautique du 10e corps d’armée.  Il prend part ainsi aux opérations décisives qui se déroulent au printemps devant Verdun et en Champagne, puis en Artois, où la fortune des armes demeure longtemps en suspens. En août 1918, il est de l’offensive de la 1re Armée (secteur d’Amiens) sur Montdidier puis juste après de la Bataille de Saint-Quentin (septembre-octobre) dite aussi de la « ligne Hindenburg ».

L’été venu, l’ennemi plie enfin. Son front cède. L’aéronautique du 10e corps est alors face aux Vosges. C’est octobre 1918.


René Chambe - 1re GM Alsace Neidernai 1918

Le 18 novembre 1918, le capitaine Chambe est envoyé en reconnaissance (en voiture) « de l’autre côté », à Niedernai dans le Bas-Rhin pour inspecter le terrain d’aviation que viennent de libérer les aviateurs allemands. Avec le lieutenant Enslen et le sous-lieutenant Fichot, ils vont vivre des heures émouvantes. Les habitants de Niedernai, au pied du Mont Sainte-Odile, tiendront à leur offrir une grande fête solennelle le 2 décembre suivant (photo, René Chambe juste derrière l’abbé Zimmer assis au premier rang). Collection René Chambe.


Le capitaine Chambe a pris depuis deux mois le commandement de cette unité aérienne qui compte quatre escadrilles dont trois divisionnaires.  C’est un commandement important pour son grade et son âge. Après la signature de l’armistice, il a la chance d’être parmi les tout premiers soldats français à entrer en Alsace dans le village de Niedernai (Bas-Rhin) le 18 novembre puis à Strasbourg avec ses équipages le 22 novembre pour le défilé solennel de la IVe armée du général Gouraud, à laquelle appartient son unité.

Puis c’est le temps de paix.

L’émouvant récit de ses premiers pas en Alsace en temps de paix En Alsace retrouvée. Ce qui ne s’oublie pas. fut publié par la Revue des Deux Mondes (15 novembre 1933). Puis c’est Jacques Granier qui le republia en 1969 dans son Novembre 1918 en Alsace. Album du cinquantenaire.

> Voir plus de photos et lire ici une version plus développée de « sa guerre » de 14-18.

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> Lire ici un éclairage de son engagement militaire à travers sa correspondance et des extraits de ses livres.

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La vie, l’œuvre et les archives du général d’aviation et écrivain René Chambe (1889 – 1983).

https://generalrenechambe.com