Le bracelet d’ébène (1926)

Premier livre, premier roman et déjà un petit succès très honorable pour René Chambe. L’éditeur de son second roman, Gilbert Baudinière, rachète les droits du premier pour le rééditer et profiter du beau succès de Sous le casque de cuir. Voici un roman d’aventure et d’espionnage mêlant science-fiction et quelques véritables souvenirs de guerre. Dans les pas de son père, Chambe pose ses premiers jalons.


René Chambe - Le bracelet d'ébène Ed Monde Moderne 1926  René Chambe - Le bracelet d'ébène Ed Baudinière 1929

1926, Aux éditeurs associés – Editions du Monde Moderne
1929, Baudinière
« Prix Maurice Renard 1927 » par la Société des Gens de Lettres


Nuit du 12 au 13 mai 1916 à Verdun. Christian de Soliers, lieutenant de cavalerie, raconte subitement à ses camarades une aventure extraordinaire. Cela remonte au temps d’avant la guerre, dans les mois qui l’ont précédée. Alors en convalescence sur la Côte d’Azur, aux environs de Hyères, à la fin du printemps 1914, il fait la rencontre de la belle Maryse, orpheline de mère française et fille d’un banquier autrichien. Éperdument amoureux, il n’est pas aveugle pour autant et son intuition le conduit à se méfier et à s’intéresser aux hommes qui l’entourent, des Allemands. Leur comportement étrange ne lui échappe pas et pique sa curiosité au point d’accepter une croisière sur le yacht de l’un d’entre eux dans les eaux méditerranéennes. Au prix de risques réels, sa curiosité est récompensée par une découverte aussi incroyable qu’extraordinaire : une véritable base sous-marine allemande !

Mais encore…

Bien que publié huit ans après la fin de la guerre, ce récit renferme un sentiment anti-allemand très affirmé. Certes, l’histoire restitue un sentiment d’avant-guerre, mais le livre l’entretient soigneusement… Du point de vue biographique, il est toujours intéressant de soulever ici ou là quelques indices personnels liés à la pensée de René Chambe et à son propre parcours durant la guerre. Il n’est encore nullement question d’aviation mais un peu de cavalerie (pour le temps de la narration qui s’inscrit pendant la guerre). Un cours paragraphe annonce déjà Adieu cavalerie ! publié 53 ans plus tard. Déjà, on trouve une allusion à la Roumanie et à une certaine Florica (voir Sous le casque de cuir et Route sans horizon), sorte de clin d’œil à sa mission en Roumanie effectuée en 1916 et 1917. Enfin, il rend un hommage discret et déguisé en la personne d’un médecin à deux de ses camarades sous-officiers (Adrien Vialle et Pierre Souquet) du peloton qu’il a commandé jusqu’en novembre 1914, morts à ses côtés le 3 novembre 1914 à Dranoutre en Belgique. En remontant encore le temps, on se souvient, en lisant ce nom de famille « de Soliers », du château dauphinois de Monbaly (Isère), lieu privilégié et tant chéri de l’enfance et des vacances de René Chambe. Ce château acheté par son père fut un fief d’une certaine famille du Soliers. René Chambe met en scène autant un pseudo-descendant de Monbaly que son enfance.

On ne peut s’empêcher de relier la partie « science-fiction » de ce premier livre non pas aux romans à succès de Pierre Benoît – comme l’avaient fait les critiques d’alors – ni directement aux récits de Jules Verne – ce qui paraitrait un peu présomptueux – mais à son père Emile Chambe qui fut justement un émule de Verne. Avec Le bracelet d’ébène, René Chambe se fait l’héritier littéraire de son père et pose déjà les jalons de sa propre carrière. Aujourd’hui, on pourrait trouver des accents « james-bondiens » avant l’heure dans ce roman d’aventure et d’espionnage !

Extrait

Alors, quoi ? Se jeter dans l’aventure, risquer tout – l’impossible et le pire ?

Peut-être…

Folie stupide !

Mon cœur, dans ma poitrine, dansait cette sarabande que deux ou trois fois dans ma vie, je sentais la saveur salée de l’aventure.

Et, ce soir-là, comme toujours au cours de mon existence, entre le risque et la quiétude, par instinct, je choisis le premier. On est officier ou on ne l’est pas. Et tous les officiers sont un peu piqué, n’est-ce pas ?

De plus, la rage me tenait debout, une rage froide. Ma décision était prise. Rien ne m’arrêterait !

D’une main fébrile, tâtant les murs, je découvris ma casquette de toile et l’enfonçai sur ma tête. Après m’être assuré que j’avais toujours mon revolver, je saisis sur la table une lampe électrique de poche. Et, revolver et lampe, j’insinuais le tout entre ma tête et ma casquette.

Ainsi j’aurais les gestes plus libres pour nager.

Car j’allais nager, nager jusqu’à là-bas…

– Dussé-je me précipiter dans la gueule du loup, je ferais tout pour savoir !

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La vie, l’œuvre et les archives du général d’aviation et écrivain René Chambe (1889 -1983).

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