A lire René Chambe, un croirait qu’il portait dans la poche intérieure de sa veste un véritable bouquet ! Cet homme qui disait « la guerre, j’étais fait pour ça ! » faisait preuve d’une grande sensibilité. Ce ne fut plus un secret pour le grand public dès lors qu’il publia Souvenirs de chasse pour Christian (Flammarion, 1963). Voici donc un herbier peu commun que celui que je vous soumets.
Les fleurs de l’innocence
Son neveu Jacques (né en 1913), fils de son frère Joseph, lui a cueilli quelques violettes :
« C’est égal, tu sais, je suis certain de revenir de cette guerre. J’ai trop de fois failli être touché ! sans jamais l’être. Je sens, je suis sûr de ce que je dis. D’ailleurs je porte sur moi de petits fétiches qui me donnent confiance. Dans mon porte-feuille je garde précieusement les violettes qu’a cueillies à La Verpillère notre cher petit Jacquot et que Maman m’a envoyées. Elles ne me quitteront pas. Elles feront toute la campagne avec moi. Avec moi elles entendront siffler les balles, éclater les obus et les clameurs de la bataille. » Lettre de René à Joseph, 8 octobre 1914, extrait.
La fleur de l’amour
Fin 1913, René Chambe est sous-lieutenant au 20e Régiment de Dragons de Limoges. Avec ses camarades, il fréquente la « bonne société » de la ville. C’est que le prestige de la Cavalerie se confond avec celui de la noblesse et des grandes familles ! Fin 1913 donc, René Chambe fait la connaissance de Suzanne Maurat-Ballange, de cinq ans sa cadette, et 1914 jettera un peu d’élixir d’amour dans l’air… On peut lire ces lignes dans Route sans horizon (Plon, 1981, pp 229 à 232), par un subterfuge qu’il serait inutile d’expliquer ici, Chambe « se remplace » par un « lieutenant X » de fiction :
« C’était la dernière fois (mais ils ne le savaient pas) où se retrouveraient Suzanne et le lieutenant X. Alors qu’il faisait compliment à Suzanne des beaux œillets qu’elle portait épinglés par une broche à la poitrine, elle lui avait dit en souriant :
– En voulez-vous un ? Tenez, prenez celui-ci, je vous le donne, peut-être qu’il vous portera bonheur, comme ma prière à Teixonniéras.
Elle ne savait pas si bien dire.
Ils s’étaient quittés sans se revoir, sans avoir pu échanger un seul mot. Un voile d’ombre était tendu entre eux, mais ils étaient sûrs l’un pour l’autre. Ils savaient qu’ils s’aimaient. Un grand amour, très pur, était né entre eux deux. Ils l’avaient compris. […]
Le lieutenant X emportait précieusement placé sur son cœur, l’œillet, seul souvenir qu’il aurait désormais de Suzanne
[…] plusieurs fois il n’a pas était possible au lieutenant X de ne pas voir la corrélation entre la protection de cet œillet et les dangers qu’il avait courus.
[…] – Voulez-vous voir, Sandra, cet œillet miraculeux ?
J’avais alors ouvert mon portefeuille, en avait retiré l’œillet desséché, plié soigneusement dans une enveloppe et l’avais tendu à Sandra.
– Le voici.
Sandra me l’avait aussitôt rendu. »
Lire également « Herbier pour l’amour, la chance et la victoire 2/2 » (2e Guerre mondiale)
___
La vie, l’œuvre et les archives du général d’aviation et écrivain René Chambe (1889 – 1983).
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.