Les cerises de Monsieur Chaboud (1983)

Ultime œuvre de René Chambe, Les cerises de Monsieur Chaboud conclut en quelque sorte le cycle des souvenirs d’enfance et de chasse (Souvenirs de chasse pour Christain, Le cor de Monsieur de Boismorand, Propos d’un vieux chasseur de coqs). Publié juste avant la mort de son auteur, ce petit livre est une nouvelle preuve qu’au-delà du soldat et même de l’écrivain qu’il fut, René Chambe dans ses derniers instants s’est dépouillé encore jusqu’à revenir à ce qu’il chérissait le plus dans son existence : son enfance et tout ce qu’elle lui a apporté. Avec la douceur d’un album souvenirs, comme un recueils de contes ou de chroniques du bonheur ordinaire, voici le dernier enchantement de René Chambe, aussi léger qu’il est profond.


René Chambe - Les cerises de Monsieur Chaboud Ed Plon 1983

Plon, 1983


Nous avons eu maintes fois recours aux mots des critiques littéraires pour décrire les livres de René Chambe. Réitérons avec Michelle Gautheyrou du Figaro, nous n’aurions pas mieux fait. Et pour extrait, nous avons choisi très simplement la première page « en manière de préface » qui est une porte d’entrée fidèle aux récits qui suivent :

Chacun des chapitres des souvenirs d’enfance du général René Chambe est comme une carte postale du temps passé, doucement colorée, émouvante, désuète, témoignage d’une manière de vivre à jamais révolue. « Qu’elles étaient simples et belles ces journées de mon enfance où tout le monde s’entendait, où personne ne se jalousait… », où la cueillette des cerises prenait l’importance d’une véritable expédition, où l’on partait joyeusement et en grand mystère pêcher la nuit, à la bougie, les écrevisses dans les ruisseaux, où, dans les noces villageoises, les hommes portaient la blouse et le chapeau noir à larges bords. C’était encore le temps des petits ramoneurs, les « hirondelles d’hiver » comme on les appelait, et des « grandes manœuvres » qui ressemblaient à un spectacle du « Châtelet ».

                  Les jours, les nuits célébraient la fête de la nature. Fouines, martres, rats fruitiers, écureuils, hérissons, lièvres, hulottes, effraies, chats-huhants, pigeons blancs, geais, piverts… étaient les locataires sans bail de Monbaly, la grande maison familiale, et de son parc.

                  Fraicheur. Joie de vivre. Mais aussi morale simple et profonde. « C’est à Monbaly qu’ont été élaborés mon cœur et mon caractère, c’est à Monbaly qu’a été lentement élaborée mon âme. »

                  Un livre que l’on peut lire comme un joli conte qui commencerait par « il était une fois… ».

Michelle Gautheyrou, Le Figaro du samedi-dimanche 8-9 octobre 1983.

Extrait

« En manière de préface

                  Je convie tous les oiseaux qui ont vécu en même temps que moi à Monbaly, au temps de mon enfance et de ma prime jeunesse, les oiseaux de jour et les oiseaux de nuit, à venir témoigner que l’atmosphère que j’ai décrite dans ce livre a bien été celle que j’ai dépeinte.

                  Je convie tous les promeneurs nocturnes, à quatre pattes, plus ou moins sauvages, tels que les lièvres, les lapins de garenne, les renards, les fouines, les martres, les putois, les rats fruitiers, les écureuils, les hérissons à venir témoigner, en même temps que les oiseaux, et dans le même sens.

                  Les oiseaux de jour avec leur incessant concert, les gros oiseaux, avec les piverts aux ailes vertes à la casquette rouge, les geais avec, sur leurs ailes, un damier bleu marine et blanc, les loriots aux ailes jaune et noire, les pigeons blancs du marquis Emé de Saint-Julien, cette évocation lointaine du passé, les grives au gilet pointillé de brun ; les petits oiseaux avec le chardonneret couronné, à l’auréole écarlate, le bouvreuil au corsage brodé de carmin, le rouge-gorge à la cravate de commandeur de la Légion d’honneur, la mésange bleue, les moineaux de la Tour Carrée condamnée, eux, à se tailler un modeste veston dans l’éternel coupon de cotonnade grise. Et enfin j’adresse la même invitation au ramage coloré et bruyant des très petits oiseaux.

                  C’est à Monbaly qu’ont été élaborés mon cœur et mon caractère, c’est à Monbaly qu’a été lentement élaborée mon âme. »

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La vie, l’œuvre et les archives du général d’aviation et écrivain René Chambe (1889 -1983).

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